Philippe Bernard est parti

Philippe Bernard, fondateur de CycloTransEurope, est mort le 12 mars à 101 ans.

 
L’engagement de Philippe Bernard qui l’a conduit à créer CycloTransEurope est d’abord celui d’une amitié nouée à la fin de la seconde guerre mondiale avec Franck Davidson. Ce dernier était un avocat d’affaire américain qui lançait de grands projets, souvent humanitaires, comme la création d’un port à Gaza, mais qui confiait à d’autres la tâche de les réaliser. Ainsi, si l’idée d’une Véloroute TransEuropéenne de Paris à Moscou venait de Franck, c’est Philippe qui l’a concrétisée en créant l’association en 1996.

Inauguration de l’EV3, partie Loire à vélo – 2005

Cycliste, il n’était pas dans le tout petit milieu cyclo-militant de l’époque. S’il avait travaillé au Commissariat au plan sur de grandes infrastructures, concevoir une voie cyclable européenne était paradoxalement une histoire plus compliquée qu’une autoroute. Il a choisi de se rapprocher du Mouvement de défense de la bicyclette et du Réseau vert pour y trouver les quelques compétences disponibles.

Inauguration de l’EV3, canal du Loing à Moret-Episy – 2009

Il faut imaginer ce que représentait la place du vélo au milieu des années 90, hors du Tour de France. Il fallait une sacrée dose d’utopie, d’esprit visionnaire pour non seulement promouvoir le vélo, mais encore plus pour promouvoir la création de véloroutes à l’échelle de l’Europe. Les véloroutes étaient un objet non identifié par les élus et techniciens. D’ailleurs un groupe de travail a été mis en place au ministère de l’Environnement à la fin des années 90 pour débroussailler le sujet (faut-il des voies séparées, traverser ou contourner les villes, etc.).

Réunion avec Michel Sapin Au Blanc

Mais quand on a été résistant après la défaite de 1940, on ne se laisse pas impressionner par les doutes et l’incrédulité. On avance pour convaincre. Les armes à la main dans le maquis de Corrèze. Ou on recule prudemment quand arrivé en retard (son péché mignon) à un rendez-vous clandestin, des paysans rencontrés sur la route l’avertissent du piège allemand qui l’attend. Quand il montait la rue de Belleville avec une remorque pleine de plombs (essayez-donc) pour imprimer un journal clandestin et que les passants l’aidaient sans jamais poser de questions, la lumière de l’espérance était là. Il était optimiste, ouvert sur les autres et confiant dans les gens.

Réunion à Hirson – 2011

Après le débarquement, il quitte le maquis et rejoint la première Armée pour continuer la guerre. Lors d’une offensive en plein hiver en Alsace, il est blessé au bras qui sera raccourci d’une manière permanente. Ce handicap mènera à sa démobilisation.

Il devient fonctionnaire au Sénat, s’y ennuie et se réoriente vers des organismes internationaux. Economiste, il fait des rapports pour l’OCDE ou la Banque mondiale à Moscou ou Alger. C’était un intellectuel et il a écrit de nombreux livres, avec des co-auteurs prestigieux, comme Stéphane Essel. Jusqu’à il y a quelques années, il faisait encore des conférences sur les utopies. Il était un puits de sciences. Il devient professeur et président du département des sciences humaines de l’école polytechnique.

Accueil de la rando Tours – Mont-de-Marsan à Créon – 2013

Ce statut de polytechnicien, même s’il n’était pas ingénieur, facilitait les contacts. Un professeur de polytechnique suscite l’attention même si ses projets semblent pour le moins nébuleux. Philippe ira par monts et par vaux porter la bonne parole, trouver des alliés. Malheureusement pour lui, il aura un accident assez grave à 80 ans sur le canal de l’Ourcq lors d’un repérage de la véloroute et on lui conseillera d’abandonner le vélo. Cela lui manqua beaucoup de ne pas pouvoir participer aux randos, au moins partiellement. Certes, il n’hésitait pas à traverser la France, voire la Belgique, pour être présent, rencontrer les élus, présenter les projets de CTE, prendre le micro.

A la Commission Européenne de Bruxelles, direction Energie, rando Copenhague-Paris-2015
Commission Européenne à Bruxelles- Direction Energie- Rando Copenhague-Paris – 2015

Il allait aussi sur le terrain, à pied évidemment, évaluer les tracés, les défendre auprès des techniciens, dans la boue s’il le fallait. Comme sur la voie verte de l’Avesnois qui est aujourd’hui une belle voie verte. Se représenter à l’époque que cette allée herbeuse pouvait devenir un voie verte populaire, roulante, sécurisée, section d’une véloroute européenne de plusieurs milliers de kilomètres, demandait une capacité de se projeter dans l’avenir, une disposition à imaginer au-delà de l’existant.

CycloTransEurope fête les 100 ans de Philippe

Philippe a ainsi  contribué à l’émergence d’un réseau européen de véloroutes et au développement d’un tourisme respectueux de l’environnement.

La cérémonie aura lieu en la chapelle Saint-Patrick du collège des Irlandais le lundi 18 mars à 14h30 – 5, rue des Irlandais Paris 5ème.

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